Origines du jardin d'acclimatation

 

Le 10 février 1854, alors que la France vient de recevoir 12 yaks du Tibet, grâce à M. de Montigny, consul général à Changhaï, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire fonde avec quelques amis la Société zoologique d'acclimatation. Très vite tous les hommes éminents des sciences, des arts, de l'industrie adhèrent à cette association qui deviendra la "Société Impériale Zoologique d'Acclimatation" et comptera 3.000 membres en 1860, chacun payant une cotisation annuelle de 25 francs. La Société veut créer un jardin ; elle pense d'abord l'installer au Ranelagh, mais cela sera refusé. Plus tard, la Ville de Paris donne une concession de 19 hectares dans le Bois de Boulogne à MM Geoffroy Saint-Hilaire, Drouyn de Lhuys, prince Marc de Beauveau, Antoine Passy et au comte d'Eprémesnil, qui en font aussitôt l'apport à la Société. Il n'y a plus de difficultés pour trouver les capitaux, surtout depuis que Napoléon III soutient le projet.

Un comité est créé, composé des membres fondateurs et de quelques personnalités comme F. Jacquemart, Debains et Pomme. Pour les travaux, le Comité fait appel à Jean-Charles Alphand, l'ingénieur des Ponts et Chaussées qui a redessiné le bois de Boulogne, à l'architecte Davioud pour la construction des bâtiments, à l'architecte paysagiste Barillet-Deschamps pour le jardin proprement dit et enfin à W. Alford Lloyd, un ingénieur anglais, pour l'aquarium. La direction du jardin devait être confiée à M. Mitchell, directeur du zoo de Londres, mais il décède avant de pouvoir prendre ses fonctions. C'est donc Albert Geoffroy Saint-Hilaire, le fils d'Isidore, secrétaire du Comité, qui assurera la direction des travaux. M. Rufz de l'Avison sera nommé directeur du Jardin d'Acclimatation et le jeune Albert directeur-adjoint. C'est Napoléon III lui-même, avec l'impératrice, qui inaugure le nouveau jardin le samedi 6 octobre 1860. En 1866, le jardin compte plus de 110.000 animaux.

La guerre de 1870 allait être fatale au Jardin d'Acclimatation. Dès le 10 août, il faut réduire le personnel. Après le désastre de Sedan le 3 septembre, le siège de Paris devenant fort probable, le bois de Boulogne est interdit au public et reçoit des troupeaux ( 30.000 boeufs et 180.000 moutons ) pour assurer l'alimentation de Paris. Le Jardin d'Acclimatation décide aussitôt de placer ses animaux les plus précieux dans des jardins zoologiques étrangers et même chez des particuliers. Commencé le 4 septembre, cette évacuation est interrompue le 9, les chemins de fer ne pouvant plus assurer leur transport. Quant au Jardin des Plantes, il accepte de recevoir quelques animaux à la condition d'être suffisamment approvisionné en grains et fourrages. Pendant le siège, c'est la disette : comment nourrir les bêtes, comment réchauffer les plantes dans les serres pendant cet hiver exceptionnel, comment lutter contre les maraudeurs ? A. Pichot raconte :
" La famine, dont la ville assiégée eut bientôt à souffrir, exigea enfin le sacrifice de tous les animaux qui pouvaient apporter un élément, quelque faible qu'il fut, à l'alimentation publique ; il fallut, quoi qu'il en coûtât aux jardiniers, abattre les deux éléphants ( Castor et Pollux ), les antilopes, les chameaux, etc. ".

Après l'armistice, on fait revenir les collections de chez les dépositaires. Le Jardin reprend vie. Hélas, l'insurrection de la Commune éclate le 18 mars 1871 et les combats, se déroulant auprès du Jardin, achèvent de détruire ce que la guerre avait épargné. Avec la famine qui durera jusqu'en juin, tous les animaux finissent à la boucherie. A Paris, on mange même les rats. Après cette crise terrible, la Ville de Paris essaye de sauver le Jardin en versant, sur 3 ans, 180.000 francs. De nombreux donateurs tentent de reconstituer les collections ( le roi d'Italie donne deux éléphants d'Afrique ), mais jamais le Jardin d'Acclimatation ne retrouvera sa splendeur et son intérêt scientifique de jadis. Comme un "coup de grâce", un nouveau parc zoologique de 15 hectares sera créé, dans le bois de Vincennes, à l'occasion de l'exposition Coloniale de 1931.

© Hubert DEMORY

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