FRANQUET de FRANQUEVILLE

 

Il est, dans la recherche historique, des moments de vrai bonheur : ceux où l'on atteint le filon recherché, ceux où l'on découvre des liens insoupçonnés et ceux qui sont le pur fruit du hasard. Ayant eu récemment l'occasion de séjourner aux Sables d'Olonne, j'ai lu, sur le port de pêche, le nom de : quai Ernest de Franqueville. Mais le fruit du hasard est source de questions : y a-t-il un rapport avec l'ancien propriétaire du château de La Muette et si oui, pourquoi est-il honoré aux Sables d'Olonne ?

Le dictionnaire des rues des Sables d'Olonne, de Joël Perocheau, publié en 1986, précise : " Ernest de Franqueville était directeur des Ponts et Chaussées en 1863, ainsi que des Chemins de Fer. C'est grâce à son appui que notre ville effectua les principaux travaux du Port et du Remblai. Il eut l'occasion de venir dans notre cité, aux bains de mer. Nous lui devons notamment la construction du brise-lame, de l'éperon, du bassin à flots et du quai qui porte son nom." Et le service des Archives de la ville des Sables d'Olonne ajoute : " C'est donc tout naturellement que son nom fut donné en 1863 au quai du Remblai face à l'océan. Cependant, à la fin de la Première Guerre Mondiale, la municipalité lui préfère le nom d'un Vendéen illustre, Georges Clémenceau, par délibération du Conseil Municipal du 13 novembre 1918. Sous la municipalité de M. Rousseau, des travaux d'élargissement des quais des Sables sont entrepris, pour se terminer en juin 1952. On donne à nouveau le nom de Franqueville à l'extension d'une partie du quai du port des Sables."

Et c'est ainsi qu'il y a un double lien entre les Sables d'Olonne et notre seizième arrondissement de Paris puisque, d'une part, le musée Clémenceau, 8 rue Benjamin-Franklin, et, d'autre part, la rue de Franqueville y sont présents.

La vie d'Alfred, Charles, Ernest Franquet de Franqueville a été raconté par son fils Charles, le dernier propriétaire du château de La Muette, dans un livre publié en 1878 : Souvenirs intimes sur la vie de mon père.

Ernest de Franqueville est né à Cherbourg le 9 mai 1809. Après des études à Louis le Grand, à Paris, il est reçu à Polytechnique puis entre en 1829 à l'école des Ponts et chaussées. Après des stages à Toulon et à Saint-Lô, il est nommé ingénieur en service ordinaire dans l'arrondissement de Soissons. Parallèlement il écrit quelques articles pour " L'Encyclopédie Nouvelle " et traduit l'ouvrage de Nicolas Wood : Traction on railroad.

Le 23 octobre 1838, il est nommé chef de section de la Navigation et des ports, adjoint à Legrand, directeur général des Ponts et chaussées. Il est responsable de toutes les questions se rapportant aux ports, phares, canaux, rivières et marécages.

Le 15 décembre 1838, il épouse Blanche Cécile Belle, dite Belle-de-Caux, dont il a un fils, Charles, le 1° janvier 1840. Hélas Blanche décédera en 1850 et il élèvera seul son unique fils.

Le 15 novembre 1853, il est nommé directeur général des Ponts et chaussées et le 12 juillet on crée pour lui le poste de directeur général des Ponts et chaussées et des chemins de fer. Ses talents sont tellement appréciés qu'on le nomme, en plus, conseiller d'Etat ordinaire hors section le 19 septembre 1857. Il prend alors en charge l'administration des chemins de fer et soutient, à la Chambre, les lois du 17 et 19 mai 1859 qui déterminent le statut des compagnies fermières. C'est, semble-t-il, à cette époque qu'il prend plaisir à venir aux Sables d'Olonne.

Tandis que son fils Charles entre au conseil d'Etat en 1860, Ernest travaille à l'achèvement du réseau des grandes routes nationales, des canaux, au dessèchement des marais de Sologne, de la Brenne et de Dombes, ainsi qu'à la stabilisation des dunes. C'est dans le cadre de ces travaux qu'il procède à l'aménagement des Sables d'Olonne en 1863.

Le 12 novembre 1864 est une grande fête : son fils Charles épouse Marie Schoeffer-Erard, la fille du facteur de pianos, qui lui apporte, en dot, le magnifique château de La Muette où Charles décédera le 28 décembre 1919. En 1920, La Muette, qui a déjà été sévèrement amputée par la construction du chemin de fer d'Auteuil en 1854, est morcelée, le château détruit, seul reste le jardin du Ranelagh. Henri de Rothschild, qui a racheté une petite partie du parc, y construit, en 1926, un petit château, l'actuel siège de l'OCDE.

Après le désastre de Sedan, le 1° septembre 1870, Ernest suit le gouvernement à Tours puis à Bordeaux en tant que membre du Conseil supérieur de la Guerre. Par la suite, il s'occupe de la lutte contre les inondations et fait voter la loi du 15 mai 1876 sur l'endiguement des fleuves.

Bien que travailleur acharné, il se sent las, d'autant plus que les politiciens de gauche l'accusent d'avoir sacrifié les intérêts de la démocratie au profit de grands groupes financiers. C'est décidé, il arrête tout et va passer l'été 1876 à Aix-les-Bains où il meurt brusquement d'une péritonite le 29 août à l'âge de 67 ans.

C'est pour lui rendre hommage que la Ville de Paris donnera, en 1904, son nom à une nouvelle rue ouverte dans le parc du château de La Muette. Et si l'on cherche bien, on devrait trouver en de nombreuses villes, comme l'a fait les Sables d'Olonne, des rues de Franqueville tant son action a été favorable à de nombreux espaces de notre douce France.

© Hubert DEMORY

RETOUR