L'institut Marey

 

Il y a, dans l'enceinte du stade Roland-Garros un monument élevé à la mémoire d'Etienne-Jules Marey. Ce monsieur n'ayant aucun rapport avec le monde du tennis, deux questions, bien évidemment, se posent : qui était cet homme et pourquoi sur cet emplacement ?

Par délibération du Conseil municipal de Paris du 6 août 1881, M Etienne-Jules Marey est autorisé à occuper, à titre temporaire, un terrain de 3.500 mètres carrés au Parc des Princes pour y créer une station physiologique. Monsieur Marey, né à Beaune en 1830, médecin, professeur d'histoire naturelle au Collège de France, élu membre de l'Académie de médecine en 1872 et de l'Académie des sciences en 1878, est le spécialiste de l'enregistrement mécanique précis de divers phénomènes physiologiques (la Loi de Marey porte sur la fréquence du rythme cardiaque).

En cette année 1881, il veut analyser les mouvements de l'homme et des animaux. Il aménage une piste pour pouvoir photographier un homme puis un cheval en marche, et invente toute une série d'appareils pour ses enregistrements. Le 29 octobre 1888, il présente ses résultats à l'Académie des sciences : " J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui une bande de papier sensible sur laquelle une série d'images a été obtenue, à raison de vingt images par seconde. L'appareil, que j'ai construit à cet effet, déroule une bande de papier sensible avec une vitesse qui peut atteindre un mètre soixante par seconde. " Cet appareil, appelé chronographe, préfigure ce qui deviendra le cinématographe (cinéma en langue actuelle).

Aussitôt le ministère des armées alloue à la station physiologique des crédits pour travailler sur les rythmes de la marche des fantassins, le poids des chargements et même l'ergonomie des chaussures !

Par délibération du 23 mars 1900, Le Conseil municipal de Paris concède à monsieur Marey un emplacement de 16.207,50 mètres carrés au Fonds des Princes, au bois de Boulogne, moyennant une redevance annuelle de un franc. Et la station physiologique poursuit ses recherches sur les mouvements, notamment le vol des oiseaux.

Le 5e Congrès international de physiologie (Turin 1901) décide que sa Commission de contrôle sera installée à Paris, sous le nom d'Institut Marey, dans de nouveaux bâtiments dont la construction avait commencé en 1899 sur la nouvelle concession. Le corps central comportait trois étages avec une aile d'un étage côté Sud-Ouest. En 1903, deux ailes opposées de deux étages furent ajoutées. Par un décret de 1903, l'Institut Marey fut reconnu d'utilité publique.

La mort d'Etienne-Jules Marey, à Paris en 1904, crée une tension entre la station physiologique, dépendante du Collège de France, et l'Institut international Marey ; leur cohabitation dépendait de leur président commun : Marey. La dispute s'amplifie et s'achève avec la délibération du Conseil municipal de Paris du 27 mars 1907 qui décide :
" Article 1er : A partir du 1er juillet 1907, l'emplacement du Parc des Princes sur lequel M Marey a été autorisé à établir une station physiologique, par arrêtés des 13 avril 1882 et 26 mai 1900, est ramené de 16.207,50 mètres à 7.000 mètres carrés. Il est partagé entre le Collège de France (4.000 mètres) et l'Institut international Marey (3.000 mètres).
Article 2 : Ces concessions feront l'objet d'un contrat de location de 65 ans.
Article 3 : La redevance annuelle est fixée à un franc pour chaque concession. "
Une délibération du 27 décembre 1907 imposera la construction immédiate d'une clôture autour de chaque concession et décidera le versement d'une subvention de 9.000 francs au profit du Collège de France.

Le 29 décembre 1913, le Conseil autorise l'Institut Marey à ériger, sur le terrain concédé, un monument à la mémoire de Marey et à y transférer les cendres du professeur Marey, incinéré au cimetière du Père Lachaise le 14 mai 1904.

En 1947, il est créé, sur cette concession, le Centre d'études de physiologie nerveuse et d'électrophysiologie de l'Institut Marey qui reçoit de nombreux chercheurs étrangers. Et en 1949, l'ensemble est rattaché au Collège de France. Par la suite, l'importance des recherches réalisées à l'Institut Marey impose son transfert dans le domaine du Centre Nationale de Recherches Scientifiques (CNRS) à Gif-sur-Yvette.

A l'issue du bail en 1972, cette concession est rattachée à celle, contiguë, octroyée au stade de tennis Roland-Garros. Les bâtiments de l'institut sont rasés en 1978, et le monument de Marey, déplacé puis restauré par la Fédération française de tennis, se trouve depuis dans l'enceinte du stade Roland-Garros.

Une plaque commémorative sera apposée sur l'immeuble du 11 boulevard Delessert, rappelant l'endroit où Marey habitait.

Jamais une concession dans le bois de Boulogne n'aura permis un tel bond en avant au profit de la santé de l'humanité.

© Hubert DEMORY

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